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Epreuve facultative de Musique
Session 2005
XIVème QUATUOR à Cordes en ut # mineur opus 131
Ludwig van BEETHOVEN
ANALYSE DE L’ŒUVRE
Introduction : caractéristiques générales du Quatuor opus 131
2- Unité de la pièce : éléments analytiques
a) analyse des six premiers mouvements
b) construction de l’unité de l’oeuvre
3- Analyse détallée du 7ème mouvement
Introduction : caractéristiques générales de l’opus 131
Tonalité : ut # mineur
Il comprend sept mouvements (ou 5, ou bien encore 6 selon certains exégètes qui tiennent compte de la brièveté des 3ème et 6ème mouvements et qui les relient aux mouvements qu’ils précèdent) :
1. Adagio ma non troppo |
2. Allegro molto vivace |
3. Allegro moderato |
4. Andante |
5. Presto ma non troppo |
6. Adagio |
7.Allegro quasi andante |
Ut
# mineur |
Ré
majeur |
Si
mineur |
La
majeur |
Mi
majeur |
Sol
# mineur |
Ut
# mineur |
4/4 |
6/8 |
4/4 |
2/4 |
2/2 |
3/4 |
2/2
(C barré) |
Fugue |
Structure pseudo répétitive |
Forme improvisée |
Variations |
Scherzo |
|
Forme sonate |
Période
de composition : de décembre 1825
(premières esquisses) à juillet 1826.
Dédié
au baron von Stutteheim ; édité chez Schott (Mayence) en avril
1827.
N.B. :
on trouvera une genèse plus complète de l’œuvre dans le document annexe :
« Les derniers quatuors de Beethoven ».
C’est
en fait l’avant dernier des quatuors de la fin de la vie de Beethoven ;
il vient juste après l’opus 130, qui contient initialement en mouvement
conclusif la grande fugue (opus 133). La
composition des tout derniers quatuors intervient ainsi juste après que le
compositeur ait honoré la commande de trois quatuors par Galitzine. En fait,
les deux dernières années de sa vie sont presque intégralement consacrées
à la composition de quatuors à cordes.
Esquissé
dès décembre 1825, il est véritablement rédigé en mars 1826 et achevé en
juillet de la même année, comme l’atteste une lettre datée du 12, jointe
au manuscrit envoyé à son éditeur – Schott - de Mayence. Sur ce document,
il note « Volés de ci de là, et recollés ensemble »,
comme pour dire qu’il serait fait « de pièces et de morceaux »[1].
Beethoven affirmait, dans les derniers mois de sa vie, qu’il le considérait
comme son meilleur quatuor.
2- Unité de la pièce : éléments analytiques
La partition comprend sept
mouvements conçus pour se jouer pratiquement sans interruption. Elle semble
construite d’un seul bloc tant se révèlent les lien harmoniques et surtout
rythmiques puissants qui en assurent l’unité. Les troisième et sixième
mouvements peuvent ainsi être considérés comme de simples transitions, des
introductions aux mouvements essentiels que sont l’Andante à variations et
l’Allegro final. L’unité thématique est assurée par un motif de quatre
notes, proche, sinon commun de surcroît, aux deux quatuors précédents opus
130 et 132 :
L’évolution tonale des
mouvements se fait par progression de quintes – ut # pour les mouvements
extrêmes, ré, la et mi majeur pour les trois mouvements internes. Concernant
la forme globale de l’œuvre, ce qui frappe surtout est le bouleversement,
le renversement même de l’organisation traditionnelle : l’opus 131
commence en effet par une fugue – là où se terminait l’opus 132 et finit
sur un allegro de forme sonate… Beethoven semble ainsi , avec ce quatuor,
prendre définitivement congé de la logique classique de construction.
a) Analyse des six premiers mouvements
1er mouvement : Méditation mélancolique [2]
« La chose la plus mélancolique que la musique ait jamais exprimée »[3] Une grande sérénité d’écriture qui confine à l’introspection caractérise en effet cette pièce.
Il s’agit d’un des
rares exemples chez Beethoven de début par un mouvement lent d’une œuvre
en plusieurs parties (sonate, quatuor, concerto, symphonie…) : Bernard
Fournier signale tout de même le premier mouvement de
Fait plus exceptionnel
encore, il s’agit d’une fugue – dans la plupart des grandes
architectures, la fugue est le plus souvent placée en fin de parcours :
rappelons nous à ce sujet le précédent quatuor opus 130. André
Boucourechliev souligne également ce « suprême décentrage »[4]
qui conduit le compositeur à commencer par un mouvement contrapuntique et à
conclure… par une forme sonate ! Nous sommes ainsi confronté dès le début
de ce 14ème quatuor à un double bouleversement de la tradition,
comme le souligne Bernard Fournier.
La fugue de l’opus 131
diffère en outre radicalement, dans son caractère, des autres
mouvements de ce type écrits par le compositeur : André Boucourechliev
oppose ainsi ce mouvement à
Cellule a Cellule b
Romain Rolland, quant à
lui, insiste fort judicieusement sur l’importance quantitative (mais pas
seulement !) des signes d’expression (sfz, cresc., pp) , qui
renforcent le sens des écrits soulignés précédemment.
La première partie du thème
(a) s’avère être la cellule génératrice
de l’ensemble du quatuor (cf. plus loin : nous étudierons en effet
tant les diverses transformations du motif dans le 1er mouvement
que ses divers avatars dans l’ensemble de l’œuvre) ; Bernard
Fournier souligne la forte parenté de cette cellule avec le « motif du
sphinx »[6]
dont la forme canonique (issue de l’opus 132) est constituée des quatre
premières notes de la gamme mineure descendante.
Structure du mouvement :
La fugue ne comprend pas de
contresujet, les réponses se font à la sous-dominante et non à la dominante
comme le veut la tradition. Beethoven tire de cette disposition une ambiguïté
harmonique qui permet notamment des tensions sans heurts autour du VIIe
degré (si # - si bécarre ; mi # - mi bécarre dans les réponses).
Le sujet est construit en
deux parties contrastées, l’une dynamique (a) avec son accent et sa forme
« en ogive » caractéristiques, et l’autre plus apaisée,
statique avec son mouvement oscillant autour de la sous-dominante (fa#).
Fournier nous indique également que « cette fugue regarde du côté
de la sonate, de sa logique d’opposition et de ses possibilités de
transformations thématiques »[7]
de part le traitement qu’en fait Beethoven dans la suite du discours
musical. Boucourechliev, de son côté,
indique qu’avec ce mouvement initial « (…) la fugue, autrefois
porteuse d’un sujet inaltéré (…), connaît des transformations thématiques
internes selon une logique expressive totalement libre de toute loi (…) »[8]. Le mouvement s’organise ainsi, selon
Fournier, de manière tripartite :
-
A : mesures 1 à 62
-
B : mesures 63 – 90
-
A’ : mesures 91 à
120 : strette, dramatisation.
Toutefois – et ce
conformément à un type traditionnel d’analyse d’une fugue-,
l’exposition se concluant à la mesure 17, une analyse différente pourrait
conclure au début de développement à ce stade du discours musical et découper
différemment le développement, qui débuterait donc à la mesure 18 ;
le développement serait ainsi construit en trois partie (conception
probablement plus cohérente), la première section courant de la mesure 18 à
la mesure 62. Le caractère de
strette à partir de la mesure 91 est moins discutable.
Le développement
n’est pas organisé de manière traditionnelle autour de
l’alternance entre divertissements et retours du sujet ; les diverses
présentations du motif initial envahissent au contraire le tissu polyphonique
au point d’empêcher toute segmentation du discours. Transformées de manière
progressive (de manière plus « chimique » que physique), les deux
cellules, omniprésentes, sont enrichies par des utilisations du sforzando
qui permettent une dramatisation – à noter, contrairement à l’usage, un
usage « vertical » de cet élément dynamique, les quatre parties
se retrouvant pour accentuer des accords à chaque fois différents (mesures,
36, 54, 61, puis à la fin mesures 113, 115 et 117).
Partie A :
-
Exposition : quatre
entrées, de l’aigu vers le grave et toutes les quatre mesures. Fin mesure
17.
-
Dès la fin de
l’exposition, Beethoven isole les deux cellules du sujet et les traite séparément
en une suite de variations contrapuntiques dont le mouvement général va en
s’animant. Après le contrepoint en noires qui suit l’exposition, le
compositeur introduit un motif en croches qui est en fait une diminution de b (mesure
55) :
Partie
B :
-
Deux canons confiés
successivement aux voix aiguës (mesures 63 – 74) puis graves (mesures 73
– 82).
-
Contrepoint homorythmique
(mesures 83 – 90)
Partie
A’ : trois strettes organisées
de manière « cumulative » :
-
Mesures 91 – 97 :
diminution de b – motif en croches et noires qui reprend parfois
(partie de violon 2) la diminution déjà signalée mesure 55 qui agit comme
un contresujet à la reprise du thème (à l’alto, mesure 92).
-
Mesures 98 – 107 :
Se superpose à ces éléments une version en augmentation du sujet, au
violoncelle, à partir de la mesure 99.
-
Mesures 108 à la fin :
le sujet est réparti entre les deux violons (a dans l’aigu, b au violon 2) ;
s’y ajoute un jeu sur l’accent caractéristique de la première cellule,
repris trois fois – Beethoven semblant à cet instant ne conserver du thème
que sa dynamique -, avant que toutes les strates ne s’immobilisent sur une
octave de tonique, dont Boucourechliev nous indique (« par un
artifice harmonique napolitain »[9])
qu’elle joue le rôle de sensible de Ré majeur, tonalité du
mouvement suivant :
Le
rôle structurant des intensités (timbre…)
« Beethoven
donne (…) au programme d’intensités dynamique qui sous-tend
le motif (a) – < sf > p – une véritable identité d’objet
musical ; non seulement ce programme subit des transformations homologues
ou non à celles de ce motif, mais il jouit d’une sorte d’autonomie dans
le discours : il peut aussi s’appliquer à un motif différent de (a),
soit tel quel (violon 1 mesures 101 – 103) soit sous une forme amplifiée
(voire l’évolution des mesures 57 – 61). »[10]
Autrement dit, le sforzando mais aussi ce « programme de nuances », outre qu’il marque d’une empreinte particulière la couleur et la courbe du sujet de fugue, présente toutes les caractéristiques d’un élément thématique, au sens moderne du terme : se reporter à se sujet à notre étude sur le paramètre « timbre » chez Beethoven. Ceci se révèle d’autant plus important que le musicien ne répète jamais son thème initial sous la même forme, lui faisant subir nombre de métamorphoses (voir plus loin).
« La
fugue de l’opus 131 est-elle un adieu à la fugue ? »
s’interroge Boucourechlief[11] ;
«Après avoir connu le drame dans l’opus 106 et l’opus 133, cette forme
connaît ici son ultime et vespérale transfiguration (…) »[12]
2ème
mouvement : Jeu de vagues
6/8 ;
Ré majeur
Rythme
de tarentelle ; d’un seul tenant (pas de trio).
Le
contraste avec le mouvement initial est saisissant : caractère léger et
dansant, écriture homophone, structure discontinue. Si la figure emblématique
de la fugue était une intensité (le sforzando), celle de l’Allegro
est une figure de tempo : un poco ritenuto, a tempo, qui,
conjointement au point d’orgue, remplit une fonction de ponctuation. Ce second
mouvement trouve ainsi son élan dans la répétition variée de structures
identiques.
Le
saut s’octave initial de la mélodie principal ne peut pas ne pas être
rapproché d’éléments du 1er mouvement (mesures 103-108), et le
lien qu’assure Beethoven entre ces deux pièces (cf. ci-dessus), pianissimo,
en renforce le caractère unificateur ; « L’un s’éteint,
l’autre se rallume »[13]…
2ème mouvement - Thème A
Structure du mouvement : en 5 parties[14]
1 |
Thème
A – ré M (mesures
1 – 8) |
Développement
sur A (mesures 17 – 24) |
Thème
B (mesures
25 – 31) |
Développement
sur B (mesures 32 – 44) |
Immobilisation
(point d’orgue : mes. 45
– 48) |
2 |
Thème
A en Mi (mesures
49 – 56) |
Développement
sur A (mesures 57– 60) |
Thème
C en La (mesures
61 – 75) |
Développement
sur C (mesures 76 - 83) |
Immobilisation
(poco rit. : mes. 84) |
3 |
Thème
A – ré M (mesures
85 – 96) |
Développement
sur A (mesures 97-122) |
|
|
Immobilisation
(point d’orgue : mes.
123 – 127) |
4 |
Thème
A – réduit au saut d’8ve
en Si (mesures
128 –129) |
Développement
sur A (mes. 129 - 133) |
Thème
C en Ré (mes.
134 -148) |
Développement
sur C (mesures 148 – 156) |
Immobilisation
(poco rit. : mes. 157) |
5 CODA |
Thème
A – ré M (mesures
158 –165) |
Développement
sur A (mes. 166 - 169) |
Développement
sur B (mesures 170 – 194) |
|
Immobilisation
(mesures 195 –199) |
Très
atypique dans sa construction, les notions de scherzo, de forme sonate
sans développement et de rondo sont évoquées par les musicologues
pour caractériser la structure de ce mouvement. Il s’agit en fait d’une
forme en cinq parties plus ou moins similaires dont une Coda. Chacune d’elle
commence par un énoncé du thème principal –
réduit à sa plus simple expression au début de la quatrième partie – qui
est ensuite développé (respectivement 8, 4, 18 et 6 mesures) et conduit dans
un second temps à l’énoncé d’un second thème (B ou C). Ce mouvement se déploie
ainsi en vagues successives – répétition variée d’une même structure [ thème
A – développement sur A – Thème B ou C – Développement sur B ou C –
immobilisation ] qui viennent à chaque fois « mourir » sur un
point d’orgue ou un poco ritenuto. Seules les proportions des différents
éléments et les tonalités changent.
Matériau
sonore
Chacun
de ses trois éléments thématiques est construit autour d’une même cellule
rythmique : q e q e qui
parcourt sans interruption – deux brèves séquences exceptées : mesures
42 – 44 et 115 – 122 qui précèdent les immobilisation 1 et 3) les 199
mesures du mouvement.
Thème
A
Une de ses principales caractéristiques est son rythme de tarentelle ; une fois lancé le saut d’octave initial, son dessin mélodique se développe par mouvements conjoints ou par tierces ; les deux périodes a1 et a2 sont séparées par un saut de quarte. Présenté pianissimo, au violon 1, il est soutenu par des valeurs longues syncopées aux trois autres instruments. Repris à l’alto, il s’affermit par un motif de trois croches jouées legato ou détachées qui se combinent et s’échangent. Ses reprises dans les parties suivantes (2, 3 et 5) constituent des variations de cette présentation initiale ; à noter le changement systématique de distribution du thème aux différentes voix. Son allure et son caractère sont toutefois systématiquement préservés. Au début de la quatrième partie, le thème A n’est pas absent mais simplement représenté par trois énoncés du saut d’octave qui le caractérise.
Les
cinq développements de ce thème dénotent une intensification progressive :
crescendi conduisant au forte, animation de la texture, élargissement
de l’ambitus, utilisation de grands intervalles.
Thème
B
Plus
suave et élancé que le premier, le second élément thématique naît dans la
continuité du premier développement sur A et repose sur le même principe
rythmique. Sa mélodie se déploie en revanche à partir d’une chaîne de
quartes et quintes. Son caractère est plus affirmé, en lien avec l’emploi de
nuances plus variées.
Les
développements de B (mesures 31 – 49 puis, dans
Thème
C
2ème
mouvement - Thème C
C’est
l’aspect saccadé de ses dynamiques, fondé sur l’alternance rapide des
nuances et sur un phrasé particulier – legato par quatre notes de la ligne mélodique
contredit par un staccato homorythmique des trois autres lignes-, qui le caractérise ;
le matériau rythmique reste identique à celui des deux premiers thèmes. Son développement
(mesures 68 – 84) est très vigoureux, prenant une allure presque
sauvage : présence de sforzandi sur chaque second temps, caractère
percussif de l’accompagnement, pédale de la dans l’aigu…
3ème
mouvement : rapide voyage
11 mesures en Si mineur qui
parcourent trois tempi différents (Allegro moderato, Adagio, piu vivace) :
Fournier souligne à ce sujet l’ « extraordinaire élasticité du
temps musical »[15].
Trois parties composent ce mouvement de forme quasi improvisée :
a)
mesures 1 à 6 :
Un récitatif qui fait
alterner la ponctuation de violents accords f et des échanges piano
entre les quatre instruments, dans une courbe descendante.
b)
mesures 6 à 8 :
L’alto conduit ce fragment Adagio
de deux mesures qui sonne « comme un avertissement » et aboutit à
« Une vocalise d’oiseau, qui tourbillonne, comme cherchant à se
poser »[16]… [
c), mesures 8 et 9] avant que la conclusion [ d), mesures 10-11] n’affirme forte
la dominante de La majeur, tonalité du mouvement suivant : ceci renforce
de toute évidence le caractère introductif au grand Thème et variations que
constitue l’Andante qui suit.
4ème
mouvement : Métamorphoses et approfondissement
Andante ma non troppo e molto
cantabile –
Thème et variations, de type
« amplificatrices » pour reprendre l’expression employée par
Vincent d’Indy dans son analyse de ce mouvement : « Non content
d’agrandir les thèmes par toutes les ressources dont a musique disposait
(…), il s’élève à la conception d’un nouvel état musical du même thème
qui s’amplifie dans tous les sens, en hauteur et en profondeur. »[17]
Ce long mouvement traduit
tout l’intérêt que porte Beethoven, dans sa dernière période créatrice à
la variation et en constitue d’un des sommets[18].
Il est à mettre en parallèle avec l’Adagio du Quatuor opus 127, avec l’Arietta
de
Fait remarquable dans ce
quatrième mouvement, Beethoven donne à chacune des variations une identité
esthétique particulière – chacune d’entre elle est en elle-même un
univers spécifique et autonome - qui se caractérise notamment par des
indications de caractère, des mètres particuliers (2/4, 4/4, 6/8, 9.4…), de
texture mais aussi par des modifications substantielles de tempo (un tempo spécifique
pour les variations 2 à 6 notamment). En outre, plusieurs se juxtaposent sans
aucun lien : « séparées par des silences, certaines peuvent même
apparaître comme le départ d’un nouveau mouvement : ainsi en est-il du
début de l’Andante – variation No 3 – après la fin affirmée du Piu
mosso ; le silence qui sépare ces deux variations n’est pas plus court
que celui qui précédera le cinquième mouvement ».[19]
Structure
THèME |
Andante
ma non troppo e molto cantabile |
Mesures
1 - 32 |
Variation
1 |
Andante
ma non troppo e molto cantabile |
Mesures
33 -64 |
Variation
2 |
Piu
mosso |
Mesures
65 - 97 |
Variation
3 |
Andante
moderato e lusinghiero |
Mesures
98 - 129 |
Variation
4 |
Adagio |
Mesures
130 – 161 |
Variation
5 |
Allegretto |
Mesures
162 - 187 |
Variation
6 |
Adagio
ma non troppo e semplice |
Mesures
188 - 220 |
Variation
7 |
|
Mesures
221 - 231 |
CODA |
Allegretto |
Mesures
232 à la fin |
Le thème
De facture très classique
(Fournier souligne « l’admirable simplicité de son contour mélodique »
et son rythme syncopé qui en fournit la cellule de base
)
, il s’organise en deux
phrases de 8 mesures – chacune étant répétée -, l’une sur la tonique LA
(mesures 1 – 8 puis 9 – 16), la seconde sur la dominante MI
avec retour final au ton principal (mesures 17 – 24 et 25- 32).
L’accompagnement de la ligne mélodique subit quelques changements lors de répétitions
(plus chargé la seconde fois).
Harmoniquement, le schéma de
la première phrase est simple, qui s’appuie sur les degrés principaux de
l’échelle de LA avec un épisode modulant (mesures 6 et 7) fondé sur un
double mouvement de Dominante de
1ère phrase
(a) :
Tonalité |
LA |
LA |
LA |
LA |
LA |
LA
SI |
MI
LA MI |
MI LA |
Chiffrage |
5 |
+6 |
6
|
5 |
6 |
5
6
|
5
7 5
+6
+ |
5 7
+
|
Degrés |
I |
V |
V |
I |
I |
IV V |
V V
I V |
V II
V |
2ème phrase (b) :
Son schéma harmonique est
plus simple encore, débutant en MI mais très rapidement un ré bécarre à la
basse nous ramène en LA ; un bref passage par la sous-dominante introduit
le mouvement cadentiel.
Tonalité |
MI |
LA |
LA |
RE |
RE
LA |
LA |
LA |
LA
|
Chiffrage |
5 |
5
+4 6 6
|
5 |
5
+4 6
6
|
5
+67
+ |
6
5
|
6
5 6
7 4
4 + |
5
- +6
6
|
Degrés |
I |
V
I V |
I |
V
I V |
I
V |
I
IV |
I IV
I V |
I
V de V V
|
Cette architecture harmonique
servira bien entendu de base structurelle aux variations qui vont suivre.
L’écriture, en revanche,
se révèle plus originale par le dialogue qui s’instaure entre les deux
violons à qui Beethoven confie la mélodie en alternance – peu ou prou,
toutes les mesures dans la phrase (a). Lors de la reprise mesure
9, le même principe est adopté en inversant les fragments confiés aux deux
instruments. La seconde phrase (b) sur la dominante est interprétée
polyphoniquement, en tierces ou en sixtes. La reprise reprend, de manière très
assouplie, le principe de partage de la mélodie entre les deux instruments (début
au violon 2, fin de la phrase au premier violon).
Fournier souligne enfin, dès
la présentation de ce thème, le travail d’écriture proposé par le
compositeur à partir de la cellule génératrice : déplacement dans
l’espace (transposition, mesure 2), réduction (mesures 7 et 8)…
Les variations
Chacune des variations s ‘appuie
sur un élément particulier de l’écriture et repose sur le principe d’une
métamorphose spécifique de la cellule génératrice, qui rend très souvent le
thème méconnaissable ; seule l’architecte harmonique de base est en général
conservée.
« On ne peut comprendre
le fonctionnement de ces variations que si l’on a bien repéré la forme et la
nature de la cellule génératrice et de ses principales articulations dans le
thème (…) »[20] :
Variation 1 :
Exploration de l’infiniment petit : métamorphose rythmique
(mesures
33 – 64)
Deux caractéristiques
fondent le traitement spécifique du thème dans cette première variation :
-
l’ornementation,
construite à partir de a :
-
la transformation rythmique
de la cellule génératrice a qui devient :
·
annulation de l’effet de
syncope
·
indication d’intensité (cresc.
– decresc.) ; d’une manière générale, l’importance des
dynamiques est à souligner – voir par exemple les mesures 39 à 41.
·
rythme pointé qui place
l’emphase sur la seconde note de la cellule en lieu et place de la première.
Le ralentissement du rythme que l’on peut observer accentue le caractère méditatif
de ce passage.
Cette cellule est énoncée
au départ, de manière conjointe, par les trois instruments graves ; elle
dialogue avec l’arabesque du violon 1, legato, en doubles-croches, et
s’oppose à la cellule génératrice par son caractère. La variation est
ainsi construite sur les interactions entre les deux motifs – qui, par
exemple, se superposent au lieu d’alterner mesure 45 puis se contaminent
l’un l’autre. Ils évoluent ainsi l’un et l’autres en de constantes
modifications et autant de changements de registres. On assiste progressivement
à une décomposition radicale de la cellule initiale et à une atomisation des
durées : les valeurs de plus en plus courtes prolifèrent, le phrasé
regroupe des éléments toujours plus brefs. Seule variation à être écrite au
tempo initial, elle donne l’impression d’une accélération continue.
Fournier rappelle à ce sujet le même phénomène qui se produit dans les
variations de l’opus 111.
Variation 2
(piu mosso) : Jeu (dialogué) avec le vide (mesures 65 – 97)
Cette fois, c’est la réponse
qui sert de base à la variation, dont on retrouve les notes dans la guirlande mélodique
de la mesure 66, construite sur des éléments disjoints du thème et qui
rappelle, renversée, le contrechant de la variation 1 :
.
Au caractère enjoué,
l’accompagnement en batteries, obstiné et régulier, du violon 2 et de
l’alto sonnant « comme un tambour en sourdine » (Romain Rolland),
la seconde variation met en scène dans un premier temps un dialogue entre les
instruments extrêmes. Les voix s’entremêlent progressivement (à partir de
la reprise de a surtout) pour
atteindre une sorte de frénésie dans la seconde partie : crescendo à
partir de 82, unisson accentué par les sforzandi
mesure 86, chute vertigineuse des sauts d’octaves mesure 89… la seconde
reprise présente cette fois peu de différences d’écriture.
Du point de vue de l’écriture,
Fournier souligne le jeu « entre plein et vide » : « au départ
est le silence ou plutôt ce pseudo-silence des batteries qui ne supportent
aucun motif ; lorsque le dialogue commence, les répliques sont séparées
par ce même pseudo-silence puis tout se resserre. »[21]
Par la suite, des motifs en croches viennent combler les vides, la place réservée
aux batteries diminuant progressivement, jusqu’à la saturation complète
(l’unisson des quatre voix).
Variation 3
(Andante moderato et lusinghero) – fugue - mesures 98 à
129.
Le terme signifie « flatteur »
ou « en plaisantant ».
De toute évidence référence à la fugue initiale : le double
canon à deux voix de sa première partie, le style fugué de la seconde – où
le sujet rappelle celui de la fugue initiale - le confirment. Dans cette
variation, les deux parties, correspondant aux deux phrases du thème, sont très
différenciées, plus que précédemment.
La première partie est
organisée autour d’un canon entre le violoncelle et l’alto dans un premier
temps (mesures 98 – 105) , puis des deux violons sur cantus firmus des deux basses ensuite (mesures 106 – 113). Les réponses
du canon se font un ton au dessus de la précédente :
La cellule de base a est,
comme il se doit, incluse dans les notes du motif du canon – notes entourées
ci-dessus. Le rythme pointé – cf. variation précédente – est également
à noter. A noter enfin une préfiguration (alto mesure 105) du thème fugué de
la seconde partie de la variation, que l’on retrouve dans la reprise à la
mesure 113 (au violon 2), juste avant le départ du sujet.
La seconde partie (mesure 114) tranche avec la première par son phrasé heurté, discontinu qui s’oppose au legato des duos précédents. Le discours musical s’organise autour de la logique du contrepoint renversable ; dans ce fragment, une fois encore, les dynamiques revêtent une importance considérable (trilles, sforzandi) de la même manière que Beethoven distille les entrées successives du thème de fugue dans un espace élargi. Les huit premières mesures (114 – 121) présentent des entrées à la seconde, toutes les mesures et réitérées toutes les deux mesures. Les huit dernières enrichissent l’écriture contrapuntique avec des entrées doublées à la tierce ou à la sixte (violoncelle – violon 2 d’une part, alto – violon 1 d’autre part).
Variation 4
(Adagio) : Lyrisme, jeu d’imitations – mesures 130 –
161.
Probablement la variation
dont le lien avec le thème initial est le plus lâche ; tout juste peut on
remarquer que le motif principal, arabesque exécutée en double croches au
violon 1, est accompagné par un dessin du violoncelle construit sur les notes
principales de a (sol# - si – la). Le développement de la
cellule initiale exploite en revanche un aspect très secondaire du thème de départ :
Cette
variation semble ainsi se déployer comme une improvisation très libre dans le
cadre harmonique du thème : arabesques entrecoupées de petits
commentaires, sortes de ponctuations pointillistes (en pizzicati), qui gagnent
du terrain dans la reprise (les dessins mélodiques envahissent les quatre
parties).
La seconde partie débute
(mesure 146) sur un accord de neuvième de dominante, des gammes ascendantes se
développant dans les parties graves, la ligne mélodique des violons imprimant
un mouvement inverse. Les rôles sont enfin intervertis dans les huit dernières
mesures.
Variation 5 (Allegretto) :
Temps immobile, grands espaces – mesures 162 – 187.
« Variation blanche »[22],
« Sphinx musical comme la vingtième des Diabelli »[23],
cette page se révèle en effet d’un statisme extrême ; nulle trace du
thème, seule sont architecture harmonique est conservée.
Cette variation est la seule dans laquelle Beethoven répète intégralement l’une des parties (b) sans la modifier – signe de reprise -, ce qui renforce le statisme caractéristique de cette variation. a et b se présentent d’ailleurs sous des formes assez contrastées :
-
a
est statique, affranchie de tout motif mélodique, est une pure résonance
d’accords qui se forment progressivement, avec prédominance des quartes et
quintes. Les deux notes « la, sol# » du violon 1 mesure 162 sonnent
toutefois comme un rappel du thème.
-
b
se révèle plus mobile, comme à la recherche du thème perdu dont on
retrouvera d’ailleurs quelques bribes (violon 1 mesure 179 puis violoncelle
mesures 182 – 184, à rapporter à la cellule
du thème (prolongement du motif générateur), mesure 18.
Si cette page est presque
vierge de tout motif mélodique, son cadre harmonique se voit particulièrement
mis en relief, beaucoup plus proche de l’original que dans les variations précédentes.
On retrouve également pour la première fois la rythmique syncopée initiale.
Variation 6
(Adagio ma non troppo e simplice) : Psalmodie et violence métaphysique
– mesures 188 – 219.
Prière pour les uns,
invocation fervente, sorte de choral murmuré sotto voce pour d’autres,
cette variation se caractérise par son écriture homorythmique et ses valeurs
égales – les 33 mesures sont en noires. La ligne mélodique progresse de manière
ascendante avant de retomber et consiste en la répétition à des hauteurs différentes
de la cellule initiale.
Le motif sur lequel est
construit la variation dérive du thème par son utilisation des deux notes
principales de la cellule de base (la – si) ainsi, dans sa première
transposition, de celles de la mesure 4 du violon 1 :
(Rappelons que la variation
précédente prenait, elle, appui sur les notes extrêmes du motif générateur :
la – sol#.)
L’originalité essentielle
de la variation, qui lui donne sa singulière puissance expressive, est la
perturbation progressive que va entraîner, dès la mesure 196, l’apparition
dans le grave d’un motif menaçant sans aucun rapport avec le thème et qui va
considérablement dramatiser la suite du discours musical :
Intervenant
« tantôt comme brutal événement rythmique, tantôt, a peine audible,
comme une présence insidieuse - comme un timbre »[24],
cet élément, inattendu et « hors contexte », reste au second plan
lors de la reprise de la première partie (196 – 203) puis éclate à la
mesure 204 lors du début de la seconde partie avant de contaminer les autres
voix, soit par sa reprise textuelle (violon 1, mesures 212, 214) soit par le
changement de caractère qu’il induit et son intégration dans la polyphonie.
Ce sont en effet les métamorphoses de cet élément timbral qui dominent la
dernière partie du mouvement ; le thème change en effet totalement de
sens dans un univers sonore transfiguré.
Variation 7 (?)
: Récitatif
-
mesures 221 – 227.
Cette variation de sept
mesures seulement peut également être perçue comme une « coda »
de la sixième variation, la plus importante et centrale dans l’ensemble du
quatuor, avant que le retour du thème n’introduise la véritable partie
finale du mouvement.
S’enchaînent dans un
premier temps quatre récitatifs, au caractère non mesuré, en triolets ;
chacun est confié à un instrument différent et ornemente la cellule initiale
à sa manière. Deux accords ponctuent le discours dans le style du récitatif
baroque.
Coda
Bernard Fournier insiste sur
l’ « extrême morcellement » de cette Coda, construite en six
épisodes :
-
Séquence modulante (228 –
231)
-
Retour du thème en Ut
(Allegretto puis sempre piu allegro, mesure 232)
-
Variation en
-
Retour de l’épisode
modulant de 4 mesures (mesures 251
– 254)
-
Retour du thème en Fa
Majeur, Allegretto puis sempre piu allegro (mesures 255 – 264)
-
Conclusion (mesures 265 à
la fin).
·
Les quatre premières
mesures constituent la transition avant le retour du thème : quatre
accords (un par mesure : MI,
·
Les deux Allegretto (Ut puis
Fa Majeur) : ils sonnent comme un élan libérateur d’une mélodie qui
s’échappe du moule dans lequel elle était enfermée.
·
De manière centrale dans
cette Coda, une reprise dans la tonalité et dans le tempo (Andante) initiaux du
thème, joué conjointement par l’alto et le violon 2 sous les trilles de la
partie aigue : nous sommes là dans l’univers de la variation – si 7ème
variation il y a, c’est ce passage qui s’en rapproche le plus…)
·
La conclusion : très
évanescente, comme laissant planer le doute, elle début par une « cadence »
du violon puis donne l’image d’un thème qui se brise avant de disparaître.
Tout s’arrête, comme en suspens, sur un point d’orgue.
5ème
mouvement : Répétitions et surprises
Il s’agit d’un Scherzo de
grande ampleur (500 mesures), indiqué Presto, en Mi Majeur.
Il se présente de manière
fortement contrastée avec ce qui précède, l’Andante à variation se
concluant dans l’incertitude ; nous assistons au contraire, avec le début
du Scherzo, à l’affirmation péremptoire d’un motif martelé de quatre
notes, dans la nuance forte, par le violoncelle. Une mesure de silence et
le thème, d’une grande vitalité, se développe et nous introduit dans un
tout autre univers, celui de la répétition obsédante. « Et pourtant,
à force même d’être prévisible dans la reproduction des mêmes mécanismes,
ce mouvement se révélera, notamment dans la coda, le lieu par excellence de la
surprise »[25].
Attentes programmées mais éludées, irruptions prématurées, introduction
inattendues d’éléments nouveaux… constituent de fait les éléments du
renouvellement du discours musical de ce cinquième mouvement. Le caractère répétitif
de l’ensemble, érigé en principe, reste manifeste ; « intention
expressive délibérée »[26]
selon Boucourechliev qui qualifie également le mouvement de « pièce
de la plus haute extravagance »[27] !
A noter le mètre binaire, alla
breve, inhabituel pour un scherzo.
Structure
A
(Scherzo) |
B
(Trio) |
A’
(Scherzo) |
B
(Trio) |
A’’
(Scherzo) |
Coda |
|||||||||
Mesures
1 - 67 |
Mesures
68 - 170 |
Mesures
171
- 234 |
Mesures 235
- 328 |
Mesures
329
- 448 |
Mesures
449
- 500 |
|||||||||
|
|
|
|
|
|
|||||||||
A1 1
– 19 |
A2 20
– 67 |
A2 Reprise Trans. 69
– 70 |
B1 71
– 112 |
B2 112
– 142 |
B3 (thème
c) 143
– 161 transition : 162
– 170 |
A’1 171
– 186 |
A’2 187
– 234 trans 235 – 236 |
B1 237 - 278 |
B2 278 - 308 |
B3 309 - 336 |
A’’1 337 - 352 |
A’’2 353 – 400 |
A2 401 – 448 |
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|
Si les deux expositions du
trio se répètent telles quelles dans leur contenu et dans leurs proportions,
les trois présentations du Scherzo ne se font jamais de la même manière :
-
la seconde se fait sans la
reprise de la seconde partie – la troisième la réintroduit, en guise de réexposition.
-
La transition vers la réexposition
du Scherzo (mesures 329 – 336) accentue le pointillisme par un redoublement
des noires aux différents instruments.
Le Scherzo s’organise lui-même
en plusieurs sections :
·
A1 – mesures 1 à 19 -, en
Mi majeur, est constitué d’une phrase de facture classique, antécédent –
conséquent, la seconde période étant répétée à l’octave ; les deux
sont suspensives et débouchent sur un accord de sol# mineur, Dominante de ut#
mineur.
·
A2 s’organise en trois
sous-parties :
ð
bref développement en ut#
mineur sur la tête du thème (2 mesures), transposition en Si Majeur (mesures
23 – 24), interruption et chute vers le grave, aux différents instruments, de
la cellule de quarte ascendante. Reprise, avec modification des intervalles, de
cet épisode (3 fois 4 mesures)
ð
rapides imitations, du grave
vers l’aigu et tous les deux temps, sur le thème repris en sol# mineur (mesures
37) puis énoncé de la mélodie dans cette même tonalité (mesure 41),
rapidement interrompu par un ritardendo qui aboutit à un point d’orgue
(44).
ð
Retour en Mi Majeur, a
tempo, développement cette fois sur la deuxième partie du thème et conclusion
de cette partie (mesures 45 – 67).
La Coda
Elle présente un condensé
de tous les épisodes du mouvement dans une désarticulation ponctuée de
contretemps et de fausses rentrées. Chaque début de section apparaît ainsi
dans l’ordre inverse de son déroulement habituel, accentuant un peu plus
encore, in fine, l’aspect ludique et facétieux du mouvement.
ð
Quatre mesures de (b1)
prolongées après un premier point d’orgue par quatre mesures (b2) :
mesures 449 – 456 ; point d’orgue.
ð
(b3), rapidement désarticulé,
ainsi que la transition habituelle qui propose une fausse rentrée de (a) avant
les pizzicati qui sont censés l’introduire, lequels présentent alors des
notes parasites au thème (do#) et sans former le dessin attendu de la cellule
(457 - 471 .
ð
(a),
sous une forme parodique (entrée du violoncelle dans son registre aigu, sul
ponticello), développé (« ronde diabolique ») :
mesures 472 et suivantes
ð
Le thème retrouve enfin sa
sonorité naturelle (mesure 489) et se termine sur une dernière envolée
joyeuse.
ð
Fin sur deux puissants
accords de tonique ; après un point d’orgue, des sol, » à
l’unisson des quatre instruments assombrissent considérablement l’atmosphère :
nous sommes déjà dans le mouvement suivant, « page la plus sombre de
l’œuvre s’enchaînant à la plus joyeusement folle ».
Matériau thématique
Caractère populaire des thèmes
à mettre en relation avec ceux du second mouvement.
La logique de développement
du matériau thématique, dominée nous l’avons dit par la répétition,
repose sur des principes de reproduction, de déplacement, de translation
de cellules (parfois de deux notes seulement), motifs, fragments, phrases,
sections et parties.
Les thèmes du scherzo et du
trio présentent une absence de contraste et une évidente parenté thématique –
là encore, phénomène inhabituel chez Beethoven – ; ils s’enchaînent
de surcroît sans rupture.
Liens
entre les différents thèmes :
-
même tonalité (Mi Majeur)
pour les deux thèmes principaux (a) et (b1), ceux
du Scherzo et du Trio.
-
Même tempo (Presto)
-
Même dessin rythmique (4
noires – blanches).
Thème
(a) : Scherzo
Outre le caractère enjoué,
populaire et ludique du motif, ce sont encore une fois les dynamiques qui en
constituent un des principaux éléments : le forte subito de la fin de
phrase, sur cinq notes répétées, sonne presque ainsi comme un trait
d’humour, comme un grand éclat de rire. Un élément de surprise est
introduit par le compositeur à la mesure 350 avec l’inattendu sempre pp
…
Thèmes (b) : Trio
Alors qu’un thème unique
compose le matériau du Scherzo, le Trio comprend trois éléments thématiques
qui se répètent et s’enchaînent tels quels, sans jamais être fragmentés,
dans une progression constante de l’intensité :
·
(b1),
comme (a), témoigne d’une grande simplicité d’écriture –
antécédent / conséquent - et présente un caractère gai et malicieux – cf.
l’indication piacevole, « charmant » - sans être aussi
rude (voire rustique) ; Maurice Hewitt le qualifie de « thème de
musette »[28].
Enoncé quatre fois à chaque apparition, les deux premiers (aux violons) sont séparés
de la reprise aux instruments graves par une séquence ludique de transition en
jeu de hoquet, sur deux fois quatre mesures, qui provient de l’accompagnement
du thème.
·
(b2),
noté ritmo di quattro battute (penser la battue non par temps mais
toutes les quatre mesures) et écrit en
·
(c) ,avec
son caractère populaire accentué et un rythme dactyle prononcé, « explose
dans une jubilation festive »[30] ;
on retrouve quelques éléments – intervalles de tierces et quartes,
accompagnement déhanché en noires – issus des motifs (b) mais tout
s’exacerbe dans un crescendo conduisant au fortissimo (mesure 160). La
transition qui ramène le Scherzo (mesures 163 – 170) intervient après une
mesure de silence qui rompt brutalement l’emballement et s’organise autour
de sons interprétés en pizzicati, un par mesure, par les quatre
instruments à tour de rôle. Les notes déclinent l’accord de 7ème
de Dominante de Mi (sans la fondamentale : la fa# ré fa#, mesures 163 –
166) : à une transposition près, ce sont les notes qui forme la première
mesure du mouvement (si sol# mi sol#) et que l’on retrouve immédiatement,
d’abord mesures 167 – 170 dans le même mode de jeu mais également, en
guise de préparation au retour du Scherzo et comme au début, à la mesure 169
au violoncelle. Forte et arco, ce qui accentue l’effet de
rupture.
6ème
mouvement : Lamento
Adagio quasi un poco andante
– 3/4 , sol# mineur.
Attacca…
indique Beethoven à la fin du mouvement précédent. Ce mouvement très court
(28 mesures) est donc destiné à faire le lien entre le 5ème et le
7ème mouvements. Il est tout de même plus que cela, véritable
instant de musique pure, page méditative (« de deuil » pour
Boucourechliev) entièrement tendue vers l’expressivité.
Le
contraste avec le Presto est éclatant : cet Adagio se révèle dense
poignant et douloureux, retrouvant
– avec plus d’accablement encore - la tristesse de la fugue initiale. Son
motif principal n’est d’ailleurs pas étranger au Sujet du premier
mouvement. :
(Le
rétrograde des trois premières notes, transposé d’une quarte, nous renvoie
en effet, mélodiquement, au notes initiales du Sujet de la fugue :
)
Structure
On
trouve dans cet épisode une alternance entre des exposition du thème de quatre
mesures (parfois modifié, le la# initial de l’Alto se transformant par la
suite en la bécarre dans les trois énoncés suivants du violon 1 :
) et des « séquences de glose
dialoguée » où les trois voix supérieures énoncent à tour de rôle,
en imitation à la seconde – cf. variation 3 de l’Andante -
un motif dérivé du thème :
On
remarquera par ailleurs une fois encore, dans ce mouvement, l’importance des
dynamiques qui s’avèrent bel et bien caractéristique de l’ensemble du
Quatuor.
Dans
le second de ces passages en imitation, cette cellule se déploie dans
l’espace en combinant ascension dans l’échelle des registres (instrument
par instrument : Alto, Violon 2, violon 1) et dépression des degrés de la
gamme (Mi2, Ré#3 ; Do#4).
Le
principe de répétition trouve dans ce mouvement une toute autre finalité que
dans le Presto, s’avérant cette fois insistance douloureuse, qui se conclut
toutefois sur la première note de l’Allegro final, d’un tout autre caractère.
b) Construction de l’unité de l’œuvre
La
spécificité de ce quatuor opus 131, dans le contexte de la série de pièces
que Beethoven écrit à la même époque, est bien cette recherche de l’unité
de l’œuvre : « (…) aboutissement d’un long cheminement
entrepris dès les premiers quatuors (…), il pose maintenant avec la plus
grande exigence le problème de l’unité d’une œuvre en plusieurs
mouvements et le résout d’une manière nouvelle (…), en enchaînant sept
mouvements tirés d’un noyau générateur unique et déployés en une seule
coulée ; le compositeur atteint ainsi un idéal d’intégration et de
continuité impensable avant lui (…) »[31].
Cette
construction unitaire se situe dans la continuité des recherches de Beethoven
dans ce domaine : quatuors opus 18 No 1, opus 59 No 1 (premier exemple de
lien d’enchaînements de mouvement à mouvement), Quatuors Galitzine…
Les symphonies No 5 et 9 notamment sont le reflet de la même préoccupation.
Parallèlement, et ce de la même manière que dans nombre de sonates pour piano
ou symphonies, le compositeur allemand s’ingénie à remettre en cause le modèle
classique de la forme sonate : remise en cause des formes « standards »
(Lied, menuet, rondo…), modification du nombre et de l’ordre des
mouvements… De ce point de vue également, l’opus 131 constitue un
aboutissement de la pensée du compositeur.
La
caractéristique essentielle de l’œuvre dans le domaine formel est bien,
ainsi, la proposition qu’il apporte d’une solution nouvelle à un problème
d’architecture (émancipation par rapport à la forme sonate) tout en trouvant
le moyen de relier entre elles les différentes parties de la pièce.
La
cellule génératrice
Comme
nous allons le constater, l’utilisation d’un motif de quatre notes pour lier
le matériau thématique de l’ensemble du quatuor – très neuve pour l’époque
- se situe d’ores et déjà dans une perspective très contemporaine, que nous
pourrions qualifier de webernienne tant les renversements, permutations
et rétrogradations constituent dans cet opus 131 la base du travail thématique.
La
tête du sujet :
Outre, comme nous l’avons
vu, qu’elle plonge ses racines dans le système thématique des quatuors précédents,
introduisant ainsi un nouveau concept d’une unité « inter-œuvre »,
elle présente plusieurs caractéristiques essentielles qui les distingue d’un
sujet de fugue traditionnel (dans cette forme qui se nourrit de permutations,
superpositions, transformations de motifs, les intensités y jouaient une rôle
secondaire) :
-
un système de dynamiques et
d’intensités (cresc. Sforzando
decresc.) indissociable de la mélodie, qui donne véritablement à
cet objet musical son identité.
-
des relations intervalliques :
c’est essentiellement ce second aspect du motif qui est exploité tout au long
du quatuor.
Métamorphoses
dans le premier mouvement :
Beethoven ne reprend
textuellement le sujet qu’une seule fois (alto, mesure 92) ; chacun de
ses énoncés se fait ainsi dans une tonalité, dans une forme mélodico-rythmique,
un registre, une intensité, un phrasé… différents. Encore une notable différence
avec le traitement du sujet dans une fugue classique ! Douze images différentes
de la tête du sujet sont ainsi proposées dans le mouvement, dont nous
retiendrons les cinq formes suivantes :
Présence du motif dans les
différents mouvements
-
Sans que le motif ne soit présent,
on notera en premier lieu la référence à la fugue initiale dans la variation
3 de l’Andante (4ème mouvement).
-
Les liens thématiques – ré-exploitation
de la cellule génératrice initiale, tête du sujet de la fugue – sont
particulièrement renforcés dans les mouvements extrêmes.
·
Mouvement introductif au
Finale, l’Adagio (6ème mouvement) réintroduit dans son thème
principal la cellule – ses trois premières notes - en la transposant et la
renversant :
(cf. plus haut).
·
Le Finale, donc :
l’analyse détaillée du 7ème mouvement qui suit détaille les étroites
relations entre le sujet de la fugue et les différents motifs de ce mouvement.
-
Une parenté entre le thème
du second mouvement et la cellule génératrice (outre le lien assuré entre les
deux mouvements par les sauts d’octaves) est relevée par Bernard Fournier,
dans un contexte différent (caractère dansant, mode majeur) ; les
intervalles, renversés, en sont également modifiés du fait de l’opposition
de mode :
Le « Programme dynamique »
Les changements de tempi :
Le
nombre et la fréquence des changements de tempi dans l’opus 131, qu’ils
soient soudains ou progressifs, en constitue l’une des caractéristiques première ;
pour l’ensemble des sept mouvements, on ne compte ainsi pas moins de
trente-quatre indications successives déterminant le tempo spécifique d’une
séquence. Dans l’Andante par exemple, presque toutes les variations possèdent
leur indication de tempo, masquant par la même l’image du thème original et
contribuant, au delà de ses transformations mélodico-rythmiques, à le
brouiller. Ces changements font également percevoir le début d’une nouvelle
variation comme celui d’un nouveau mouvement… Les « accelerando »
ou « rallentendo » sont également présents en masse dans la pièce
(quelques quarante indications de ce type). Ainsi Beethoven se propose-t-il de
repenser la conception même du temps musical, conçu traditionnellement autour
de séquences (les mouvements) organisés à partir d’un tempo unique. Le
compositeur rompt avec une linéarité et dynamise de cette manière le temps en
le rendant plus qu’auparavant « cyclique ».
Les durées
Un
aspect plus secondaire de l’unité de ce quatuor réside dans la fréquence de
motifs thématiques en valeurs égales ou en valeurs longues.
Nuances : le caractère
thématique du « < sf > p » initial
Outre
qu’il contribue largement à caractériser le thème lui même en le rendant
« molto espressivo », cette indication très précise de
nuance va, dans l’ensemble de la pièce, prendre de l’autonomie et marquer
de son empreinte la totalité de l’œuvre. Beethoven donne ainsi à ce
programme d’intensité dynamique une véritable identité d’objet musical :
non seulement, en effet, ce programme subit des transformations homologues (ou
non) à cette du motif initial mail il jouit d’une sorte d’autonomie dans le
discours :
dans le 1er mouvement, il peut
s’appliquer à un motif différent, tel quel (cf. violon 1, mesures 101
– 103) ou sous une forme amplifiée (cf. l’évolution des mesures 57 –
61).
On retrouve on ne peut plus fréquemment le
sforzando mais aussi ce programme d’intensités dans les autres mouvements
de l’œuvre :
ð
2ème mouvement,
mesures 68 – 74
ð
4ème mouvement,
variation 2 (mesures 86 – 89, 94 – 97)
ð
4ème mouvement,
variation 3 (mesures 114 et suivantes, cresc.
sfp)
ð
6ème mouvement :
cresc. sf > p, retour du programme dynamique dans son état
initial.
ð
7ème mouvement :
le « cantus firmus » en rondes (mesures 94 et suivantes) :
chaque attaque du motif doit être jouée sf. (soit sur la note même,
soit dans son accompagnement). Idem pour le second motif en valeurs longues dans
la réexposition (mesures 170 et suivantes).
ð
7ème mouvement,
Coda : le « motif de trois notes » et, plus globalement, toute
cette page finale se révèle marquée, au moment de conclure le quatuor, de
l’empreinte du sforzando initial.
Plus globalement, l’importance des nuances dans ce
quatuor s’avère révélatrice ; quelques exemples marquants :
ð
2ème mouvement,
mesures 56 – 75 et son retour à
partir de 130 ; les fortissimo de la dernière page et le mezza voce qui se
conclut par un pianissimo (mesures 195 – 198)
ð
3ème mouvement :
9 changements d’intensité en 11 mesures !
ð
4ème mouvement :
variation 1, le caractère quasi-thématique des cresc. > p ;
idem dans la variation 3 sur des entités plus brèves (mesures 101 et
suivantes), dans la variation 6…
ð
5ème mouvement :
le brusque forte sur les notes répétées de la fin du thème 1
ð
6ème mouvement :
< p ou cresc. > p , une constante !
ð
7ème mouvement :
importance des dynamiques du motif secondaire (celui issu du sujet de la fugue,
fort logiquement !). Toute
Liens
ténus entre les 6ème et 7ème mouvements
-
même lien thématique à la
cellule génératrice du quatuor, même programme d’intensité dynamique (cf.
ci-dessus).
-
Parenté mélodique de la
fin de phrase, pour laquelle on retrouve le même processus « napolitain »
lors de sa reprise :
3-Analyse détaillée du 7ème mouvement
Allegro, 2/2 (C barré) – Ut
dièse mineur
Forme sonate
« Danse du monde »
pour Richard Wagner, « chevauchée héroïque et presque guerrière »,
« mouvement implacable et grandiose » selon Bernard Fournier, ou
encore «impétueuse affirmation du rythme » - Boucourechlief -,
pour Romain Rolland… L’intensité
dramatique y est en effet à son comble.
Enjeu du Finale dans le
parcours expressif de l’œuvre :
Sommet dramatique de l’œuvre,
vers lequel converge tout le quatuor, ce mouvement retrouve la tonalité d’ut#
mineur de la fugue initiale. Longtemps différée, la résolution de la tension
créée par l’Adagio du début de l’œuvre aboutit enfin avec ce dernier
mouvement. Le second mouvement éludait, laissait en suspens le conflit ouvert
par l’Adagio en nous conduisant dans un climat d’insouciance et de légèreté,
Beethoven investissant ensuite d’autres univers sonores aussi étrangers à
celui de la fugue (Andante par exemple). Seul ce Finale apporte la nécessaire
contrepartie dramatique à la méditation tourmentée du début, et la réponse
qu’il propose prend dès lors d’autant plus de force : ce septième
mouvement est en effet le climax de l ‘œuvre entière, il est le lieu où
explosent enfin les tensions retenues depuis la fugue, à la fin d’un long
refoulement.
Structure
En
tant que mouvement de forme sonate, ce Finale présente une structure originale
que l’on peut qualifier de progressive : allant encore au delà de l’équilibre
atteint dans l’Allegro de la 5ème symphonie (quatre fois 150
mesures) les différentes parties (Exposition, Développement, Réexposition,
Coda) se révèlent de plus en plus importante,
Le matériau thématique et son exploitation
Plus manifestement que dans
les autres mouvements, qui en reprennent tel ou tel élément, la thématique de
cet allegro se réfère clairement au sujet de la fugue, repris sous deux formes
voisines dans les volets extrêmes de son thème principal.
On retrouve par ailleurs dans
cet Allegro la traditionnelle opposition, chez le compositeur allemand, entre
les deux groupes thématiques A et B. De la même manière, le Développement et
Le
groupe A :
Il se
compose de trois phrases étroitement soudées les unes aux autres :
ð
Le thème de
l’introduction (mesures 1 à 5) :
Sorte
de prélude d’une intensité saisissante, il comprend trois figures énoncées
fortissimo et entrecoupées de silences, à l’unisson des quatre
instruments. Beethoven soumet d’emblée l’auditeur à un déferlement de
puissance sonore qui va se poursuivre avec le thème suivant.
Thème
de l’introduction
Outre
le do# isolé, les deux figures qui composent ce prélude – suspension sur V /
conclusion sur la tonique – sont autant de coups de boutoirs dont on
remarquera que leurs quatre dernières notes constituent une permutation de la
cellule initiale du sujet de la fugue (1 – 4 – 3 – 2 puis 1 – 4 –
2 – 3 par rapport au Sujet).
ð
Le thème 1 (mesures 6 à
21)
Son
caractère sauvage et primitif est renforcé par un accompagnement martelé,
percussif, des trois voix graves. Entièrement construit sur un motif iambique q
7e q 7 e de caractère incisif et haché, il
s’articule par groupes de deux mesures ; il se déploie
également en
deux phrases antécédent / conséquent. C’est cette mélodie qui confère au
mouvement son allure de « chevauchée sauvage ». A la mesure 17
cependant, tout change, le phrasé devient legato, la nuance piano,
le la bécarre « napolitanise » quelque peu la cellule mélodique
finale. Cet épisode est à rapprocher des transformations que subit le thème
de l’Adagio, mouvement précédent. Fournier retrouve lui à cet instant le
rythme de barcarolle du second mouvement.
Thème
1
ð
Le motif secondaire (mesures
21 – 35)
Toujours
soutenu – en accompagnement, à l’Alto - par le rythme de chevauchée, ce
motif est construit sur deux phrases legato de caractère sombre cette
fois qui se répète quatre fois (deux fois au violon 1 et deux aux instruments
graves à l’unisson) :
motif
secondaire issu du sujet de la fugue
Les
quatre premières notes sont là encore un permutation du début du sujet de la
fugue (3 – 2 – 4 – 1) ; la seconde cellule se présente sous deux
formes (ouverte / fermée). Autre lien avec le Sujet, bien que dans un tempo
très différent, la parenté de son architecture rythmique : une brève
suivie de trois longues (blanches), puis une succession de valeurs égales
(noires).
La
séquence se conclut sur un processus de densification à partir d’imitations
sur cette seconde cellule (mesures 35 – 39).
Mesures
40 à 55 :
Transition
vers le second thème, ce passage constitue une réduction des mesures initiales :
le rythme du Thème 1 – dans un registre plus aigu - envahit la reprise de
l’introduction, la nuance n’est plus que forte, de brèves entrées
en imitation concluent cette épisode.
Le
groupe B :
Le
second thème (mesures 56 – 77) est en Mi Majeur, relatif du ton principal ;
il sera réexposé, de manière surprenante, en Ré Majeur et prolongé par 24
mesures en ut# Majeur.
Thème
2
Il
s’organise en deux cellules : gamme descendante en croches legato
(cellule b1) et groupe de trois blanches en notes répétées (b2),
mises en espace presque deux octaves plus haut que la fin de la cellule précédente.
Cet élément apparaît statique eu égard au mouvement de la gamme qui le précède.
On entend trois fois ce thème, à chaque fois à un instrument différent
(violon mesure 56, Alto mesure 60, violon 2 mesure 65) ; la dernière fois,
le thème est contrepointé par une reprise au violon de cette même mélodie,
transposé d’un ton. La seconde partie du thème fournit alors le prétexte à
une amplification se déployant dans le suraigu, exécutée ritardendo (mesures
70 – 73). « (…) l’essentiel se joue ici dans les fluctuations de
tempo, le rapport en vitesse et immobilité, entre les registres graves et
aigus, entre des bouffées crescendo retombant subitement au piano. »[32]
On
retrouve ce second thème dans la réexposition aux mesures 216 – 261 ;
elle occupe ainsi 46 mesure au lieu de 22, Beethoven présentant cette séquence
dans deux tonalités différentes (Ré puis Ut# Majeurs). La première suit un
cheminement assez fidèle à celui de l’exposition mais la seconde se révèle
assez différente ; séparée de la précédente par une courte transition
(mesures 237 – 241) qui semble mener à
Développement
Il
débute avec la reprise du motif de l’introduction puis du Thème 1 en fa#
mineur (sous-dominante) ; le discours musical suit le même cheminement que
dans l’Exposition – quelques notes sont toutefois appoggiaturées – et ce
jusqu’à la mesure 93.
Apparaît
alors, soutenu par le même rythme de chevauchée, un motif en rondes, de type cantus
firmus
servant
de contresujet à un véritable fugato de 24 mesures construit sur la
seconde phrase du Thème 1, avec réponses atypiques à la sous-dominante comme
dans la fugue initiale, qui se déploie avec une puissance sonore paroxystique
(mesures 94 – 117). Revient alors le thème de l’introduction, en si mineur
(mesure 117), mis en boucle sans silence (mesures 119 – 122) puis transformé
et développé par réduction à sa partie ascendante, progressivement élargie
dans l’espace, puis à sa simple structure rythmique deux croches – noire
(mesures 124 – 147). Un motif legato en croche, qui circule aux différents
instruments, vient contrepointer le développement de ce thème. C’est ce
nouvel élément qui va prendre, à la fin de cette section, l’ascendant pour
se transformer en une sorte de trille qui va suspendre le temps (ritmo di tre
battute, mesures 148 – 159). Douze mesures affranchies de tout motif thématique
qui préparent
Réexposition
Introduite
par un dernier crescendo,
L’énoncé
du Thème 1 se voit complété par la superposition d’un motif en ronde qui
vient en écho de celui du développement (disjoint cette fois), « également
allusion à la cellule initiale du sujet de la fugue » nous dit Fournier :
cf. la partie de violoncelle aux mesures 169 – 172 : si# do# la sol# (2
– 3 – 4 – 1).
La
réexposition du motif secondaire intervient à la mesure 184, sans le support
de l’accompagnement rythmique cette fois et donc plus concentré sur la gravité
mélancolique de son caractère. On
retrouve également les brèves entrées en imitation qui densifient le discours
musical (mesures 199 et suivantes) mais pas le retour des thèmes précédents,
Beethoven s’attardant toutefois sur un développement de la seconde partie du
Thème 1 soutenu par un motif en croches qui rappelle celui du développement.
Coda
Partie
la plus longue et la plus complexe du mouvement, « stupéfiante synthèse
des figures et motifs du mouvement », liquidation progressive des thèmes
du mouvement, elle en accentue encore la puissance du matériau musical.
Exclusivement construite sur les thèmes du groupe A, elle les combine et les
superpose deux à deux. Son organisation est un peu différente des parties précédentes
et ne comprend pas moins de onze séquences mettant chacune en jeu un processus
spécifique :
ð
Début pianissimo (mesure
262) sur le rythme d’accompagnement du Thème 1 ; à l’intérieur émerge
le thème introductif, modifié, d’abord aux instruments graves puis
envahissant les différents registres dans un crescendo qui conduit à son énoncé
aux trois voix supérieures à l’unisson (mesures 272 - 277).
ð
Le motif secondaire (277)
revient alors, rapidement développé à partir d’un motif de trois notes qui
en constituait l’accompagnement dans les parties précédentes et qui, lui
aussi, est construit sur la tête du Sujet de fugue (cf. mesure 290).
ð
Développement sur le Thème
1 (mesures 292 – 301).
ð
Retour du thème de
l’introduction, à l’unisson, sempre forte, dont les intervalles sont
encore modifiés, puis développement sur le même principe que dans la partie
centrale : élargissement dans l’espace, en gerbes fulgurantes,
resserrement et réduction à sa structure rythmique deux croches – noire
(mesures 302 – 312).
ð
Thème 1, traité en
imitations, contrepointé par le cantus firmus du développement
(313 – 328), accentué fortissimo.
ð
Deux gammes ascendantes de Ré
Majeur, légères, pianissimo, qui rompent radicalement avec la densité des
parties précédentes (329 et suivantes), « brise légère à caractère
mozartien » (Fournier)... Cet épisode, d’une certaine manière, réinterprète
une des relations tonales centrale dans l’œuvre, Ut# - Ré, que l’on trouve
notamment dans la transition entre la fugue et le second mouvement. Cette
rupture ne va bien entendu pas durer…
ð
La
marche vers l’avant, fortissimo, reprend
son cours avec le Thème 1 soutenu par un motif en croches régulières issu du
développement (336 et suivantes).
ð
Tout s’arrête une
nouvelle fois sur un nouvel énoncé – piano, sur les intervalle d’un accord
de septième diminuée - du thème introductif (347), suivi d’une mesure de
silence.
ð
Superposition de la tête du
motif secondaire, transposé plusieurs fois et développé, et de la réduction
de la structure rythmique du thème introductif (349 – 366) ; Beethoven
ramène progressivement ce thème dans sa structure quasi-initiale (363, 365).
ð
Dernière combinaison des
deux thèmes principaux (367 – 376), la
forme de fragments éclatés.
ð
Poco Adagio,
dans la nuance piano, Beethoven prend congé de ces deux motifs dans une
paisible gravité avant de conclure a tempo, dans la violence, sur un arpège de
tonique de trois violents accords.
Le
quatuor opus 131 présente nombre de singularités, tant par rapport à la
tradition, qu’elle bouleverse à maints égards, que par rapport aux œuvres
écrites par le compositeur à la même époque, loin d’être aussi
novatrices. Elle marque une étape supplémentaire dans la quête d’une unité
toujours plus affirmée de l’œuvre ; Beethoven pousse ici le principe de
l’architecture de sonate à son point culminant. Dissymétrique, d’une
grande hétérogénéité formelle à priori, l’œuvre parvient pourtant à
unir l’ensemble de ses composantes dans un tout qui nous apparaît clairement
en tant que tel.
Novatrice,
cette pièce l’est encore par l’utilisation des dynamiques, au caractère
quasi thématique : le sforzando initial, si souvent réexploité dans les
différents mouvements, devient ainsi figure thématique à part entière.
[1] Jean et Brigitte MASSIN, Ludwig van BEETHOVEN, Fayard, Paris, 1967, page 720.
[2] Ces sous-titres sont ceux proposés par Bernard Fournier, Histoire du Quatuor à Cordes (de Haydn à Brahms), Fayard, Paris, 2000, pages 846 à 896.
[3] Richard Wagner, Beethoven, (1870), Gallimard, Paris, 1970, page 129.
[4] André Boucourechlief, Essai sur Beethoven, Acte Sud, Paris, 1991, page 148
[5] in Bernard Fournier, opus cité, page 848.
[6] Bernard Fournier, opus cité, page 847.
[7] B. Fournier, opus cité, page 849.
[8] A. Boucourechlief, Essai sur Beethoven, Actes Sud, Paris, 1991, page 146.
[9] Id.
[10]
B. Fournier, op. Cité, page 851.
[11] A. Boucourechlief, opus cité, page 146.
[12] Id.
[13] Romain Rolland, Beethoven – les grandes époques créatrices, Edition définitive, Albin Michel, Paris, 1980, page 1211.
[14] Le tableau ci-dessous est proposé par Bernard Fournier, op. cité, page 858.
[15] Op. cité, page 863.
[16] Romain Rolland, op.cité, page 1213.
[17] Cité par Romain Rolland, op.cité, page 1215.
[18] André Boucourechlief y voit une « synthèse de la variation beethovénienne », in Beethoven, Seuil (collection Slofèges), Paris, 1963, page 101.
[19] B. Fournier, opus cité, page 865.
[20] B. Fournier, opus cité, page 869.
[21] Opus cité, page 873.
[22] Boucourechlief, Essai sur Beethoven, op. cité, page 146
[23]
B. Fournier, op. Cité, page 877.
[24] A. Boucourechlief, Beethoven, opus cité, page 103.
[25]
B. Fournier, op. Cité, page 885.
[26] A. Boucourechlief, Beethoven, opus cité, page 104.
[27] A. Boucourechlief, Essai sur Beethoven, opus cité, page 147.
[28] Notice de la partition Heugel
[29] Op. cité page 890.
[30] Id.
[31] B. Fournier, opus cité, page 837.
[32] B. Fournier, op. Cité, page 901