3ème partie : ESSAI D’ANALYSE DE LA PARTITION

Partie A

 

1ère section (mesures 1 à 24) :

En trois parties :

a)       Affirmation : 1er énoncé du motif de trompette – sorte de trémolo sur une note unique, fa, à jouer le plus vite possible - et de sa préparation par le roulement de timbales en crescendo : mesures 1 à 5, suivies d’une mesure de silence.

 

Ces deux parties du motifs sont proposées en écritures horizontale avec des entrées sur les pistes magnétiques qui permettent, grâce à la disposition des haut-parleurs véhiculant les huit pistes, une spatialisation du son et la création d’un phénomène d’écho. Nous nous trouvons là dans une perspective spectrale – cf. l’introduction de Partiels de G. Grisey. 

 

b)       Développement - 2ème énoncé : le motif aboutit cette fois sur un unisson un demi-ton plus haut (sol bémol) et se prolonge par une variante du trémolo (« trille » sur fa / sol b ou sol b / fa) interprété par les pistes 2 à 8 avant qu’une tenue des bois et cuivres (flûte, cor anglais, clarinette, cor et trompette), construite autour d’un cluster de micro-intervalles autour du sol (sol b / fa # en quart de ton/ sol # en quart de ton / la), complété par le ré# du cor anglais, ne conclut cette brève section – mesures 6 à 17).

C’est ce dernier élément, le cluster de micro-intervalles, qui va progressivement devenir l’élément prépondérant par densification de sa texture.

c)       Elision - La dernière section de l’introduction débute comme les précédentes par le roulement de timbale – sur pistes et sans les instruments joués « en direct », enrichi au plan timbral par le même mouvement dynamique réalisé par l’enregistrement sur les différentes pistes d’une contrebasse en trémolos, sur un Do grave (à partir de la mesure 20). Le motif de trompette est cette fois totalement éludé et c’est l’accord en notes tenues – le trombone et les huit pistes renforce l’ensemble des vents – qui conclut cette troisième occurrence du motif. (mesures 18 à 24). Le cluster en notes tenues intervient cette fois ci avec des entrées en imitations en ce qui concerne les instruments, comme pour rappeler et pallier à l’absence du motif de trompette :

Do (cb)

Do # en ¼ de ton (tbn)

Ré (cor)

La # (bn)

La # ¾ de tons ((Vlc)

Mi (c.a)

La (vl 1)

Ré # (clar)

Fa # en ¼ de ton (trp)

Sol # ¼ de ton (fl)

Si (Vl 1)

       Après une nouvelle mesure de silence, nouveau roulement de timbales qui est suivi cette fois de l’accord complet (1’29’’) : avec comme fondamentale le do des timbales, il égrène des notes du spectre de do in abstracto ( harmoniques :5 mi, 7 la élevé d’un  quart de ton 8va bassa, 9 ré 28va bassa, 11 fa élevé d’un quart de ton, 13 la 8va bassa et 15 si), . Ici, Xu Yi fait référence à Grisey avec de grandes libertés. On notera ce détail : ce sont les partiels impairs qui sont retenus : 5,7,9,11,13,15.

 

2ème  section : mesures 25 à 50

Cette nouvelle partie est en premier lieu caractérisée par un ralentissement du tempo (noire = 48 au lieu de 60).

Brutal contraste : au tutti précédent succède une raréfaction de l’effectif instrumental – pistes enregistrées presque silencieuses, qui jouent avec un léger décalage les notes du violon 1 et du violoncelle au quart de ton près, seuls demeurent le violon 1, le violoncelle et la contrebasse qui, dans la continuité de la section précédente, tient sa pédale de do#. Une tenue du cor anglais et de la clarinette – intervalle de quarte augmentée la première fois mesures 25 – 26, puis quinte juste mesure 31, retour à la quarte augmentée cor-clarinette cette fois plus un si au cor anglais mesure 34  - vient perturber la quiétude engendrée par la trame mélodique interprétée par le violon 1 et le violoncelle en glissandi de micro-intervalles et en harmoniques artificielles (la quarte du son fondamental est effleurée, le son entendu est ainsi le fondamental deux octaves plus haut), qui constitue initialement la texture sonore principale de cette section. Tous ces éléments sont renforcés par des échos (en décalage d’une croche, à l’unisson ou à un demi ton d’intervalle) produits par le violoncelle enregistré sur les pistes 1 et 2 (mesure 25 – 26) et par les bois (pistes 3 et 4, mesure 27 à 29, écho que l’on retrouve mesures 32 et suivantes).

Trame mélodique Violon 1 – Violoncelle (mesures 25 – 26)

Le jeu sur les micro-intervalles (glissandi sur un ton, ou trille en glissando sur un demi-ton mesure 32) évolue progressivement vers un élargissement de l’ambitus : au violon, montée progressive par  tons ou demi-tons (do# mesure 25, ré# mesure 26, mi mesure 28, fa# mesure 30, sol# à 31, la mesure 32, la# mesure 33…) ; la courbe mélodique redescend avant de se fixer sur une tenue de la aigu.

Entré en décalage, le violoncelle joue sur des chromatismes retournés (si# - ré – do# - ré#) ; de la même manière, la courbe mélodique s’élève progressivement puis redescend sur une dernière tenue de do#. 

Mesure 33, quatre pistes enregistrées ramènent au cor avec sourdine un rappel du thème de trompette initial ; ce phénomène se reproduit mesures 35-36 et surtout 38-39 et 42-43.

Progressivement, la texture sonore se densifie et ce sont les tenues des Vents qui prennent le pas sur tout autre élément. Ces clusters, de plus en plus riches, sont par deux fois interrompus par un nouvel élément percussif réalisé fortissimo sur les bongos et les toms, introduisant ainsi une nouvelle texture timbrale (mesures 44 puis 49-50).

 

3ème section : mesures 51 à 76

Une texture proche de celle qui débute la section précédente – Violon 2 et alto dans le suraigu, puis violon 1 en harmoniques artificielles  -, soutenue par des trilles des cordes graves et de la clarinette, se voit bientôt complétée (mesure 54 et suivantes) par un nouvel élément timbral que constitue le jeu percussif des Bois (flûte basse, cor anglais et basson sur les clés des instruments : pistes magnétiques en écho). Les trilles envahissent parallèlement le discours musical.

Mesure 57, la contrebasse interrompt son trille pour proposer sul tasto (sur la touche, son détimbré) un court motif en micro-intervalles) prolongé par un second sul ponticcello. Apparaîssent parallèlement deux nouveau timbres aux percussions (marimba et vibraphone) qui, par le contrepoint qu’ils apportent à ces cellules, vont caractériser la fin de cette section par une présence de plus en plus marquée : leurs interventions alternent trémolos et courtes formules dans le prolongement de celles de la contrebasse ; ces formules – qui se développent de plus en plus, ainsi que les trilles des Bois, envahissent progressivement l’ensemble des couches sonores alors que le crescendo s’accélère ; rupture brutale mesure 76.

A noter enfin, mesures 72 à 74, de brefs échos du motif de trompette initiale proposés par les pistes 1 et 2.

 

 

Partie B : mesures 76 à 146

Cette seconde grande partie de l’œuvre présente à la fois des éléments de continuité avec le début de la pièce (présence des cordes dans le suraigu, modes de jeu en harmonique, sul ponticello, sul tasto, jeu percussif des Bois…) mais aussi un contraste fort : son statisme d’ensemble, la nuance presque toujours ppp et la présence d’un ostinato de timbre lui confèrent en effet une unité plus forte. Cette section introduit par ailleurs de nouveaux éléments timbraux, aux percussions essentiellement : bongos, bols tibétains, tambour de bois.

Cette partie centrale présente enfin la caractéristique d’amener, par un vaste crescendo, le climax de l’œuvre qui la conclut – mesures 144-146).

Section introductive : mesures 76 à 89

Dans une nuance pianissimo poussée à l’extrême, elle se caractérise par la raréfaction du matériel sonore et par son statisme ; elle se fonde su 5 éléments sonores :

-          harmonique du violon - artificielle - sur une note en quart de ton (mesure 76) qui évolue (mesure 82) et se voit relayée par le violoncelle (86).

-          Effet de résonance des bols tibétains frappés au dessus de la timbale, effet renforcé par les pistes magnétiques 4, 5, 7 et 8 qui entrent en imitation.

-          Grosse caisse jouée avec une brosse, sur les pistes 4, 5, 7 et 8 : effet de « pluie » que l’on retrouvera en toute fin de partition.

-          Cellules rythmiques exécutées aux bongos par les pistes 1, 4, 5 et 8. La grosse caisse soutient par des tenues

-          Brefs motifs aux cordes sul ponticello qui rappèlent ceux de la section précédente : alto mesure 86, puis 88-89 relayé par le violon 2.

Pour la 1ère fois depuis le début de l’œuvre, les vents sont absents de cette section.

Section centrale : mesures  90 à 144

Elle se caractérise par une nuance d’ensemble pianissimo, avec un grand crescendo final.

et par la mise en place d’un « ostinato sonore » - et non rythmique – proposé par les percussions sur deux tambours de bois aux pistes 1 et 2 dans un premier temps puis sur les instruments en direct – les bols tibétains poursuivent leur résonance jusqu’à la mesure 92.

Cinq (ou six) autres textures se superposent à cet élément, que l’on peut regrouper en deux groupes :de 3 :

a)       textures « continues » :

Ø      de courts motifs en micro-intervalles, caractérisés par leur ambitus extrêmement restreint, proposés aux Cordes sul tasto ou sul ponticello (violon 2 et alto dès la mesure 91, contrebasse violoncelle et violon 1à partir de 106-107, ) et aux Bois (cor anglais et clarinette à partir de 96, puis basson – 105 – puis flûte – 109). Ces motifs en relais – cf. mesures 96-97 Alto-Violon 2 – Cor anglais – Clarinette, ou encore les mêmes instruments à 99-100-101 – constituent de véritables « mélodies de timbre » :

Bien qu’isolées, les interventions des bois participent de cette élément qualifié de continu car elles s’intègrent dans une trame lisse, les motifs étant reliés par des sons harmoniques tenus des cordes.

Ø      Ces sons tenus en harmoniques caractérisent d’ailleurs la seconde texture dite « continue » : exécutés au violon 1 et au violoncelle, ils unifient le discours musical en se situant dans le prolongement direct de l’élément sonore des sections I.B et I.C. Des soubresauts en glissandi (mesures 92 – 93 par exemple) alternent avec les sons tenus.

Ces deux textures finissent par n’en faire plus qu’une, se contaminant l’une l’autre ; elles passent au second plan à partir de l’entrée du « jeu percussif » des Bois pour disparaître progressivement.

Ø      Dernière texture « continue », le jeu percussif des Bois et de la contrebasse (pistes magnétiques) qui « entre » mesure 122 et prend progressivement le dessus sur tous les autres éléments.

b)      textures discontinues ou événementielles (rappels) :

Ø      Les tenues de LA dans le registre grave du trombone

Ø      Le retour des sons tenus aux Bois

Ø      Le retour final du motif de trompette à la mesure 143, qui introduit le climax final.

Le tableau ci-dessous indique la répartition des éléments décrits plus haut dans l’agencement de cette partie centrale et montre le glissement progressif qui s’effectue, le discours musical évoluant  d’une texture sonore très statique avec le rôle prépondérant des cordes vers un mouvement plus important avec une multiplication d’ événements sonores plus ponctuels.

 

 

Section finale : le climax mesures  144 à 146

Le grand crescendo final aboutit au climax de la pièce : tenue stridente des Cordes dans le suraigu proposé par les supports magnétiques fortissimo : pour la première fois de la pièce, les instruments sont totalement muets.

 

Partie C - rappels, synthèse :  = A’ + B’ ?

Dynamique d’ensemble :

 

Les rappels des sections précédentes sont omniprésents dans cette ultime partie de l’œuvre qui en font une sorte de synthèse de l’ensemble, dont l’organisation paraît par ailleurs assez disparate ou morcelée - discontinue.

Les rappels d’éléments antérieurs :

-          Les cellules de Bongos introductives, mesures 147-148 – cf. section introductive partie B (mesures 84 à 89)

-          L’écriture des Cordes dans le suraigu (avec sourdine pour le violon 2) et les glissandi en harmoniques (violoncelle mesures 151 – 156) qui caractérisent l’ensemble de la pièce.

-          Le retour des Crotales (mesure 156) – associés cette fois au Glockenspiel - ; cf. Partie A 3ème section (à partir de la mesure 51)

-          Les sons tenus des Bois (cor anglais – clarinette, mesures 162-163, 165-166 puis 169-171) cf. Partie A 1ère section (mesures 15-16 la 1ère fois)

-          Les courts motifs aux Cordes sul ponticello (Alto – Violon 2, 172-174) : cf. Partie B (les mélodies de timbre)

-          Le retour des roulements de timbales (à partir de 172, les dernière mesures en cresc.) : cf. début de la partition

-          Le motif de trompette (176, 179) : cf. début de la partition

-          La note tenue dans le grave de la contrebasse (mesure 190) ; cf. partie A – renforcement des roulements de timbale mesures 20 et suivantes).

-          Timbales jouées avec la brosse (« pluie »), mesures 180 et suivantes : cf. début IIème partie (80 et suivantes)

 

Fin de la pièce

            Raréfaction des événements sonores : impression de délitement, de retour vers le silence, vers le Vide – comme la pièce avait débutée.

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